SAN KO MWEN KA VOLE
San ko mwen ka volé ("Sans corps, je vole") est un projet en cours de création, que je développe actuellement en résidence de 5 mois à Can Serrat (Catalogne, Espagne). Je travaille actuellement à la fabrication de chaque fragment de ce récit : objets-sculptures, matières organiques et éléments symboliques : pour composer une grande installation dispersée dans un jardin, visible de nuit, à la fin septembre. Chaque fragment est un écho, une trace, un organe d’un corps absent. Autour des thèmes de la mémoire, de l’archive éclatée, de la filiation et de la survivance. Au cœur du projet : la figure du zonbi, non pas comme être sans âme, mais comme entité de résistance, de mémoire réactivée, de passage entre mondes.
Cette figure hybride guide mon geste artistique, entre rite, fiction et mémoire incarnée. Ce projet hybride à la croisée entre performance contemporaine et théâtralité est issu de ma nouvelle. Une autofiction identitaire et futuro-Historique, ce projet met en scène une jeune femme métisse caribéenne vivant dans un monde postapocalyptique. Repliée avec sa mère dans un espace suspendu, elle reçoit des lettres d’un père qu’elle croyait disparu. Artiste pluridisciplinaire - Je m’aventure continuellement à la croisée du documentaire et de la fiction, de l’histoire et de l’intime, de la collecte et du partage, ainsi que de l’expérimentation et de la muséologie, dans une quête de réappropriation de mon identité collective. Notre clameur, ce lien indéfinissable entre nous. Des zonbi mémoires vivantes d’une violence ancestrale.
Non des morts-vivants, mais des vérités muettes, survivant dans les interstices du corps et du temps. La figure du zonbi est ici centrale. Détournée des imaginaires coloniaux et cinématographique, elle devient un corps de transmission, porteur d’archives sensibles, un médium de l’histoire tuée, mais non disparue. C’est à travers lui que se rejouent les silences de la filiation, les traces enfouies des oppressions, et les formes d’une mémoire en mouvement.


Tu sais,
je me suis faite une réflexion la nuit dernière.
On nous a appris à l’école à les craindre,
à les effacer de notre rétine,
comme s’ils étaient invisibles.
Mè fait semblant de ne pas les voir
lorsqu’elle fume au bord de la fenêtre
et Ifé vomit dès qu’elle jette un œil de leur côté.
Mais personne ne demande d’où nous venons.
Leur sang ne coule-t-il pas dans nos veines ?
On ne nous apprend rien sur eux.
Oublié, ce virus.
Tous ces morts.
Notre passé pourtant est toujours sous nos yeux,
dans notre présent,
et sera même dans le futur sans nous.
C’est comme si nous tournions le dos à notre histoire,
bien qu’horrible.
Oui, c’est comme si Les Pêcheurs d’Ombres, toi,
étaient envoyés pour faire un génocide ancestral.
Je sais que tu me comprendras.
Ça fait des années que tu es parti pour ces raisons :
apprendre, guérir.
Zoom, vase explosé, impression typon de photographies familiales et verre, 40 fragments, 50 x 35 cm.
Le nôtre a été fait parmi les premiers,
fait de pneus colmatés avec du sable noir.
C’est pour ça que chaque fois que je me réveille
après s’être endormie au bord de la fenêtre,
mon front est enduit de suie.
Dans la précipitation, nos ancêtres les ont construits
pendant que les humains s’émiétaient.
J’aurais aimé les voir, eux, le monde d’avant.
Je crois que c’est pour ça que je les regarde
du haut de nos tours de vertige.
Je les jalouse, peut-être.
Eux, ils peuvent sentir la terre,
leur peau s’irise au vent chaud.
Ici, il y a souvent des bourrasques.
Le soley, toujours présent, est pourtant froid.
Nos peaux sont pâles et ternes,
nos doigts boudinés par la hauteur.
Eux, leurs teints répercutent la lumière.
Ma mè me dit souvent que je leur fais une ode.
Non,
je les observe.
Que faire d’autre, la nuit, alors que leurs râles s’élèvent ?
Zoom, Cœur musicale, 15 instruments artefacts, céramique, gélatine et feuille d’hibiscus, taille variable.
Zoom, Cœur musicale, 15 instruments artefacts, céramique, gélatine et feuille d’hibiscus, taille variable.
Zoom, Cœur carthographié, tableaux et sculpture, platre, terre, fragment de verre, 50 x 50 cm et 30 x 20 cm.
Zoom, sculpture en gélatine d’hibiscus, grillage, miroire cassé, 150 x 140 cm.
Zoom, Cœur musicale, 15 instruments artefacts, céramique, gélatine et feuille d’hibiscus, taille variable.
Zoom, sculpture en bois, peau de mouton, résine, pierre, plâtre, encre, latex, clous, 180 x 155 cm.
kellycheryboeg@gmail.com
@Chery.kelly
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Novembre 2024
